« «Méfie-toi de la clarté de la lampe : pour juger de la beauté, l'obscurité et le vin sont mauvais conseillers.»

Il parait que je suis belle. Il parait que je suis "bien foutue". Gratifiant, mais peu délicat, je vous l'accorde. On me le rabâche sans cesse et on me demande d'arrêter de ne dénigrer alors que je ne pense pas ce que je dis. Pourtant, en me levant tous les matins, depuis que j'ai environ huit ans, je passe devant la glace, et je me trouve laide, grosse, disproportionnée. Je n'ai jamais ressemblé aux stars du cinéma, aux femmes élégantes, fines, élancés et littéralement sexy. Non, je suis juste une jeune fille promue au magnifique destin de "mémère". Pourtant, je fais tout, du sport, je mange bien, équilibré et sain, rien n'y fait. C'est ma vie, c'est mon devenir, point barre, on ne me changera pas... Je suis mal dans ma peau, ça fait peine à voir, et puis, aussi, j'ai des cicatrices. Certaines de "guerre", et d'autres que je me suis infligée moi même. Quitte à être laide, autant l'être parce que je suis balafrée que parce que je n'ai pas des traits réguliers. Je n'ai pas grand chose de plus à ajouter sur moi, parce qu'à part le fait que je suis laide, en fait, il n'y avait strictement rien à dire.

« La beauté n'est que simulacre, la jeunesse n'est qu'un leurre. »

Je me souviens encore, grâce aux nombreuses photos qu'avait pris ma mère, aujourd'hui disparues, autant ma mère que les photos, à quoi je ressemblais, toute petite. Au début, je faisais peine à voir, problèmes médicaux, le corps violet de plaies, c'était moche, et c'est pour cela qu'il y a peu de traces de moi avant mes deux ans, deux ans et demi. Après, on a commencé à me voir sur des photos, mignonne, avec un grand sourire innocent que seuls les enfants savent esquisser. Des cheveux châtains, fins, une coupe au carré, des yeux bleus gris, pleins de joie et de légèreté. Je ne savais pas encore ce qu'était la vie. J'étais comme tous les enfants de mon âge à l'époque, comme dirait les vieilles qui vous regardent passer du haut de leur balcon, "mignonne". Cette facette de moi est restée telle jusqu'au mes six ans, environ. Après, j'ai perdu mes dents de lait, comme tout le monde, c'est normal. Elles ont très mal repoussé, toutes de travers, et d'autres ne tombaient pas. Bref, passage obligé chez le dentiste. Piqûres, piqûres en encore piqûres. Appareil dentaire, et tout ce qui va avec. Et aussi, l'acné. Aaaah l'acné, la bête de noire de beaucoup d'adolescents. Mais je m'assumais avec fierté, rien à faire des mauvaises langues qui n'avaient que comme argument que j'étais laide, eux, ils était et sont certainement encore des abrutis finis... Ou pas d'ailleurs. Puis j'ai grandi, et j'ai laissé tomber mon combat pour la beauté, c'était peine perdue. Aujourd'hui, j'ai les yeux banalement verts-bleus et la couleur de mes cheveux change selon mes envies, du blond au brun passant par le châtain. »